Oraisons désertiques – P.Caffarel
Mai 24, 2019 | Textes ressources réflexion
Véronique a treize ans. Sa mère lui ayant enseigné très tôt à faire oraison, elle y consacre chaque jour dix minutes ou un quart d’heure. Dimanche dernier, la pauvre Véronique, désemparée, me confiait sa peine: «Depuis huit jours, je ne trouve plus la présence de Jésus à l’oraison».
Ma chère Véronique, j’ai pensé que vous seriez contente d’avoir par écrit les conseils que je vous ai donnés avant-hier, surtout si vous n’avez pas retrouvé la présence du Christ en votre oraison quotidienne.Depuis des mois il vous accordait le sentiment de sa présence, et c’était très bon.
Maintenant que ce sentiment vous est retiré, vous voilà toute troublée. Je vous comprends, mais ne soyez pas inquiète. Ne vous fatiguez pas inutilement à chercher la raison de ce changement. Ne vous hâtez pas de penser que c’est par votre faute.
Efforcez-vous plutôt d’accepter de bon cœur, de bonne humeur et en grande patience ce qui est une épreuve.
Peu à peu vous découvrirez que ces oraisons apparemment stériles sont d’un grand profit. Et la parole du Christ se révélera vraie pour vous aussi: «Il vous est utile que je m’en aille». Votre foi sortira plus pure et plus forte de cette marche dans le désert, où rien ne pousse, où l’on ne rencontre personne.
Tant que Notre Seigneur vous laissait entrevoir sa présence et son amour, c’était bien facile de vous attacher à lui,un peu comme les apôtres lorsque leur Maître ressuscité apparaissait au milieu d’eux.
Mais si rien de sensible ne vient l’aider, votre foi est obligée de s’affirmer et de s’affermir. Rappelez-vous le mot du Christ à Thomas: «Bienheureux ceux qui croiront sans voir.» Appliquez-vous donc très doucement, très paisiblement, au cours de vos oraisons désertiques, à croire que Jésus est là, aimant sa petite fille d’un très grand amour. Rien ne peut le glorifier davantage que cette foi imperturbable.
Votre vie intérieure va retirer un deuxième bénéfice considérable de ces oraisons peineuses. Depuis que vous êtes interne, votre désir de retrouver vos parents, vos frères et sœurs, ne croît-il pas au fur et à mesure que les jours passent ? Et le retour à la maison n’est-il pas d’autant plus joyeux qu’il a été plus souhaité ?
De même, dans vos oraisons sans bonheur, votre désir de retrouver le Christ, d’entrer plus avant dans son amour, va s’intensifier. C’est essentiel car en s’intensifiant le désir creusera votre âme, et ainsi vous pourrez offrir à la vie du Christ une place infiniment plus large. Sa grâce vous sera donnée d’autant plus abondante que vous serez plus vide et plus avide. Et cette avidité c’est la vertu d’espérance.
Troisième bénéfice: comme le métal dans le feu, votre amour du Christ se purifie dans ces oraisons qui ressemblent au purgatoire.
N’avez-vous pas remarqué que souvent vous vous rendiez à l’oraison avec le grand désir de retrouver la si bonne joie que vous y aviez la veille ? Preuve que vous n’y alliez pas uniquement pour plaire à Dieu, mais aussi par amour de vous-même.
Quand nous nous en apercevons, nous devrions être les premiers à dire à notre Seigneur: Pour me débarrasser de ce vieil amour de moi, pour que désormais j’aille à l’oraison non pour la joie que j’y éprouve mais uniquement pour votre gloire, je vous demande de faire que je n’y trouve plus de joie tant que ce sera nécessaire.
Et si nous ne prenons pas les devants, du moins, quand les joies de l’oraison nous sont refusées, sachons consentir en paix et en patience. Surtout ne ressemblez pas à ceux qui, tout le temps de leur prière, sont à l’affût du retour de la joie; ils me font penser à ces enfants qui, durant la nuit de Noël, ne dorment que d’un œil et de l’autre surveillent l’arrivée des jouets dans leurs souliers.Un jour, j’espère, vous parviendrez même à être très contente quand votre oraison sera sans joie; alors vous saurez que vous aimez Jésus un peu plus que vous-même.
N’avais-je pas raison, Véronique, de vous dire que vos oraisons désertiques sont très utiles? Les trois grandes vertus s’y purifient et s’y perfectionnent: la foi, l’espérance et la charité, justement ces vertus qui nous mettent en contact avec notre Dieu et nous initient à sa vie intime.