Voilà une poignée d’heures que je suis descendu du bus nous ramenant du Limousin et de mon dernier camp en tant que scout. Je commence à défaire mon sac, en mirant joyeux et plein d’abandon mon staff dans un coin de ma chambre. Des effluves de forêt, de feux de bois, de champs blondissant, de près verdissants, de fraternité, d’Aventures, de Joie me montent au nez quand mon carnet tombe à mes pieds. Je l’empoigne et le feuilletant, revoie toutes les notes prises au jour le jour pendant le camp. « Bien que le temps passe, je me rappelle mon dernier camp avec la troupe » me vient aux lèvres tandis qu’un flot de souvenirs assaille mes pensées… Souvenirs d’un camp intense et génial, d’un camp inoubliable, de mon dernier grand camp.

Tout a commencé bien rapidement après que la troupe soit descendue du bus et ait tout déchargé. Nous déjeunons à côté d’une calme rivière lorsqu’après nous avoir laissé, la maitrise revient brusquement déguisée en bédouin. Nous allons rallier Adis Abeba (c.a.d. le lieu de camp) : l’aventure commence ! Nous partons nous installer dans des bois et devons construire un radeau par patrouille. Le lendemain, nous partons sur le coup de midi, en embarquant près d’un moulin. Tant bien que mal, mais très lentement, nous avançons. Vers le milieu de l’après-midi, nous arrêtons de naviguer (bien que nous ne soyons pas encore arrivés à la destination prévue) et déjeunons. Quelques heures et quelques ampoules plus loin, nous arrivons enfin à La Texonnière, notre lieu de camp. Ce début de camp inattendu ne permit pas à nos esprits de regretter tant que ça consoles et jeux pour les uns ou amis et parents pour les autres. Surtout pour nos hôtes allemands, car effectivement six Aigles venus des alentours de Dresde se joignent à nous pour le camp. Les rassemblements et autres conseils des chefs s’en retrouvent quelquefois bien rallongés car la plupart des discours sont traduits, grâce aux compétences linguistiques des différents scouts et chefs.

S’ensuivent alors trois jours harassants d’installations. Chaque matin au camp, après un réveil par des airs de trompette, nous assistons à une belle montée des couleurs, suivis de quelques instants personnels de méditation guidés par le carnet de camp, une courte prière et les informations du jour. La journée suit son cours et le conseil des chefs a lieu avant le dîner tout comme le conseil de guerre qui est un jeu de plateau style Catane où chaque jour se joue un nouveau tour. Veillé et prière (avec parfois lecture de la vie de Charles de Foucauld, guide spi du camp) clôturent le jour. Les installations de troupe rappellent le thème du camp (N.B. : la recherche du glaive Salomon, probablement trouvé par Livingston lors de ces recherches des sources du Nil) : un mat en glaive planté dominant la plaine et une aire de veillé avec assemblée couverte par des tentes de bédouins. La grande inspection finalise le temps des installations. Nous dînons ensuite solennellement en patrouille dans notre agréable et pratique coin de patrouille. Chandelles et tartiflettes agrémentent ce repas introduit par un toast porté au camp, à la patrouille et à tout plein de chose ! Sous ces airs de fêtes et dans cette excellente ambiance nous avons le droit à quelques paroles philosophiques de mon troisième ; se rendant compte et affirmant aux plus jeunes qu’il suffit de pas grand-chose, surtout en question de futilité matérielle, pour expérimenter le Bonheur. Je ressens aussi ce bonheur véritable, la vie intense, joyeuse et vraie de ceux qui savent se contenter de peu !

Le jour suivant, à la suite du rituel quotidien ouvrant la journée, nous assistons à une formidable mise en scène nous envoyant explorer les environs. Ces trois jours d’exploration nous permettent de traverser des paysages magnifiques sous un soleil persistant, de visiter de jolies cités et de bercer de nos chants les forêts où le parfum du miel et des conifères embaume. Quelques tensions apparaissent malheureusement, l’effort et la chaleur n’aidant pas : « Pff, mais c’est trop nul ; les chefs nous envoient balader dans un bled paumé où y’a pas de supermarché et on peut même pas aller dans la salle des fêtes. Donc on va dormir dehors et on a rien à manger !» accompagné d’une jolie moue désappointée. J’essaye donc de leur expliquer, à l’aide de Conseils de patrouille, que l’explo n’est pas faite pour vivre luxueusement, de salles des fêtes en pizzerias, mais quelques entêtements montrent que nous ne partageons pas toujours les mêmes points de vue. Je me rends compte aussi de la responsabilité que j’ai en tant que chef : mes gars se reposent sur moi (normal !) mais moi je n’ai quasi que le Ciel sur qui me reposer (c’est déjà bien d’ailleurs !). Tout est bien qui finit bien et nous rentrons au camp où nous retrouvons notre aumônier qui célèbre la Messe.

Ce dimanche 15 juillet, nous vivons une journée tranquille avec le début des olympiades, fabuleusement introduites. Les matchs de foot annoncent la finale de la Coupe du Monde que nous regardons en fin de journée. C’est assez folklorique de nous voir s’exciter devant un petit écran ; surtout lorsque la fin du match, et la victoire conséquemment, est sifflée !

Peu de repos nous est accordé et c’est au beau milieu de la nuit qu’un étrange personnage tout de sombre vêtu, masqué et ganté de nacre vient me réveiller dans ma couchette : le grand jeu commence ! Une (autre) époustouflante mise en scène nous fait comprendre que la lutte entre les différents partis s’officialise, lutte pour le glaive de Salomon délivrant l’omnipotence à qui le posséderait. Nous découvrons en effet des représentants des quatre pays incarnées par les quatre patrouilles, autour d’une table éclairée par une bougie. Ils débattent des actions de leurs pays en Egypte quand les voix s’élèvent et s’énervent, la table roule par terre et la provocation est directe : nous devons soutenir notre pays, la France, dans cet affrontement ! Le lendemain sous un temps breton, nous partons vadrouiller cherchant, à l’aide de notre carte annotée, des points d’argent ou des bédouins à prendre en embuscade. Nous récoltons ainsi cartouche et bâtons de minerais ainsi qu’un bon nombre d’ampoules dû à la distance parcourue équivalente à 8 lieues environs. Nous installons alors nos bivouacs et c’est le ventre un peu plus rempli que nous devons agrandir les brèches d’un fort, malgré l’obscurité présente. En s’approchant de drapeaux et faisant exploser un pétard accroché dessus nous y parvenons peu à peu. Après quelques péripéties, nous dormons enfin au bivouac. Le jour suivant, nous vagabondons de tribu en tribu pour s’en faire des alliés. Ce sont de petites épreuves où toutes les patrouilles s’affrontent. Vers la fin du jour, par alliance entre deux pays, nous construisons un fortin. C’est une fabuleuse phase bien orchestrée, peut-être bien la meilleure du grand-jeu. Les combats ont lieu sous forme de prise de brin de laine au début et en lutte en main plate à la fin, les tribus peuvent nous aider, les cartouches et bâtons de minerais sont à piller. Il persiste d’autres règles un peu compliquées, mais nous, français, combattons admirablement au côté des hollandais et menons d’ailleurs les affrontements! La journée n’est pas finie et c’est dans un majestueux soleil couchant que nous pourchassons et capturons Livingston. Personnage réticent que nous escortons le lendemain pour des embuscades à tour de rôle contre l’autre alliance britanno-ottomane. Le fourbe Livingston s’échappe au final et sous nos yeux ébahis lance le glaive de Salomon enflammé dans un étang, sur un fond de musique épique, de fumigène et autre pyrotechnie (spectacle quasi puyfolais !). Le glaive est détruit, comment en aurait-il pu en être autrement ? Nous en informons alors les autorités par signaux de fumées. Nous quittons ensuite la forêt magnifique parsemée d’étangs où nous nous sommes bien soudés en patrouille lors de ce grand jeu mémorable et nous rentrons à la maison, ou plutôt au camp !

Les olympiades reprennent ensuite pour des affrontements dans une franche camaraderie, se clôturant par une tête piquée en troupe dans le lac du village voisin. Arrive après le concours cuisine où nous nous sommes bien régalé, à la suite du passage des chefs, même si notre animation laissait à désirer ! Jour bien tranquille ponctué par une longue sieste et le début de la Cour d’Honneur. Ce temps de conseil où toute la Cour est présente est vraiment beau, profond et vrai quoique un peu long ! Nous continuons la CdH le lendemain, toujours dans la même ambiance. Quant à la troupe, elle s’attache à désinstaller le camp ; ça tombe à pic, plusieurs de nos couchettes craquaient de manière perturbante la nuit dernière. Le service est aussi commencé avant de finir la journée par la Messe. Le festin est ensuite préparé en troupe. Les propriétaires se joignent à nous pour ce dîner gargantuesque et la veillée spontanée qui s’ensuivit, rythmée de chants et d’imitations bienveillantes, réussies et très drôles ! La prière arrive naturellement et après la vaisselle, un rassemblement est sifflé. A la lueur des torches, de la lune et sous notre beau mat, des classes, des badges et des brevets majeurs sont remis, la Panthère et nous, le Gerfaut, recevons nos insignes de patrouilles cimes et je prends mon engagement Raider-Scout. Je ressens cet engagement, en homme de caractère, plus comme un point de passage “officialisant” l’idéal choisi, qu’un aboutissement ou un véritable départ. Très beaux moments qui viennent clôturer ce camp. Ce dernier jour, nous terminons de ranger le camp et nous abattons le mat ; avant de repartir pour rejoindre la ville et ses mur gris, avec tant et tant de souvenirs ressourçant en tête !

Merci encore à la fabuleuse équipe de rêve qu’était notre maitrise et à tous ceux qui ont agit pour ce camp ; camp et sentiments à la suite de celui-ci que j’ai bien du mal à décrire d’ailleurs : j’aurais tellement de choses à ajouter !

Raphaël JEAN, ancien CP du Gerfaut, 1ère Toulouse Notre-Dame